Chapitre 5

​ Il faut être souple pour s’introduire dans cette ferraille, mais le siège n'est pas aussi inconfortable que je le croyais. Avec le pied, je touche les pédales, pour tester leur résistance: les freins ne sont pas assistés, évidemment. Mon squelette motorisé me semble lourd, il faudra appuyer bien à fond sur la pédale, et ça risque d'être dur pour les mollets, à la longue. Le volant n'est sûrement pas assisté lui non plus, je ne sais pas comment il réagira... On verra bien.

​ You have to be flexible to get into this scrap, but the seat isn't as uncomfortable as I thought. With my feet, I touch the pedals, to test their resistance: the brakes aren't assisted, evidently. This motorized skeleton that I am currently sitting in seems heavy to me, it will be necessary to fully press the pedal, and that might be hard for my calves in the long run. The steering wheel is surely not assisted either, I don't know how it will react... We'll see.

​ J'appuie à fond sur le frein, j'abaisse le commutateur qui semble servir de démarreur et j'entends le bruit du moteur, derrière moi. Un bruit sourd et profond, comme un coup de tonnerre qui part du sol et fait vibrer mon siège, un long roulement de tonnerre qui ne finit jamais... J'aime cette sensation. Je garde toujours le pied solidement sur le frein pendant que j’enclenche sur drive: on dirait que je viens de grimper sur le dos d'un cheval sauvage qui n'attend que mon signal pour bondir. Je lâche le frein, j'appuie doucement sur l’accelerateur et je pars.

​ I fully apply the brake, I lower the switch which seems to serve as a starter and I hear the sound of the engine, behind me. A voiceless and profound noise, like a stroke of thunder that leaves the ground and vibrates my seat, a long rolling of thunder that never finishes... I like this feeling. I always keep my feet solid on the brake during which I switch to drive: it looks like that I just climbed on the back of a wild horse waiting for my signal to jump. I release the brakes, I press slowly on the accelerator and I start driving.

​ L'accélérateur est tellement sensible que je réussirais à le faire réagir rien qu'en soufflant dessus. Le moteur donne quelques coups saccadés au début, mais j'arrive vite à contrôler la pression. Pour les freins, c'est le contraire: il faut que j'appuie de toutes mes forces pour obtenir une petite réaction. Il faudra faire attention à toi, Steve: ce n'est pas un jeu vidéo, et tu n'as qu'une seule vie.

​ The accelerator is so sensitive that I could make it react just by blowing on it. The motor has a few jerks in the beginning, but I can quickly control the pressure. For the brakes, that's the opposite: I must press all my force to get a little bit of reaction. You would have to be careful, Steve: this isn't a video game, you only have one life.

​ Pourquoi est-ce que je me presserais, de toute façon? L'ingénieur n'a-t-il pas dit j'avais du carburant pour cinquante tours? Pour le premier, je me contente de faire comme si je conduisais le tracteur du bonhomme Desjardins, ce qui me donne tout le temps pour m'habituer à mon véhicule et observer la piste.

​ Why should I hurry, anyways? Didn't the engineer say that I had fuel for 50 laps? For the first, I am content to pretend that I am driving old man Desjardin's tractor, which gives me all the time to get used to my vehicle and to observe the track.

​ Au début, il y a une longue linge droite, suivie de trois courbes très serrées que m'obligent à faire des zigzags - je pense qu'on appelle ça une chicane, et le mot est bien trouvé: pour passer, il faut se chicaner avec la route, et on ne sait jamais comment on va s'en sortir. Il y a ensuite deux courbes prononcées, toutes deux vers la droite, suivies d'une autre beaucoup plus longue vers la gauche; on débouche alors sur un autre linge droit qui traverse une pinède, suivi d'une forêt de feuillus. À la fin de la forêt, encore quelques courbes qui ne présentent aucune difficulté particulière, puis c'est le retour au point de départ. La chaussée est parfaite, sans nids de poules ni dos d'ânes, et il y a des piles de pneus et des ballots de paille tout au long de la piste, même dans les linges droites. Je n'ai jamais vu d'asphalte aussi lisse. Si c'est ça qu'on appelle une piste sauvage, je me demande bien comment on devrait qualifier la route qui mène à mon école! La suspension de mon véhicule a beau être très dure, je ne sens pas la plus petite bosse, c'est comme si je roulais sur un billard... Qu'est-ce que je risque à aller plus vite?

​ At the beginning there's a long straight line, then three very tight curves that makes me do zigzags - I think we call it a chichane, and the word is well founded: to go through it, you must quibble with the road, and we don't know how that would go. There are then two pronounced curves, all two are to the right, then there's another much longer to the left; then comes out another straight line which crosses a pine forest, and then through a deciduous forest. After the forest, still a few curves that present no particular difficulty, then back to the starting point. The pavement is perfect, no potholes nor donkeys, and there are piles of bales of straw all along the track. even in straight lines. I never seen such smooth asphalt. If that's not what we call a wild track, I wonder how we should qualify the road that leads to my school! The suspension of my vehicle is very good, I do not feel the smallest bump, is it as if I was driving on a billiard table... What's the risk of going faster?

​ Me voici à la fin de mon premier tour. Je jette un coup d'œil aux estrades, où j'aperçois les ingénieurs, qui semblent occupés à prendre des notes, mais je ne vois pas Roxanne. Pas moyen non plus d'apercevoir son automobile. Serait-elle partie sans moi? M'a-t-elle abandonné à ces ingénieurs bedonnants? Essayons de ne pas y penser. J'ai encore quarrant-neuf tours de piste à faire, pourquoi est-ce que je ne m'amuserais pas un peu?

​ Here's me at the end of my first lap. I take a look at the platforme, where I appreciate the engineers, who seem busy taking notes, but I don't see Roxanne. Not way either to see her car. Did she leave without me? Did she abandon me to these paunchy engineers? Let's try to not think about that. I still have 49 runs to complete, whiy don't I have a bit of fun?

​ Aussitôt les estrades passées, j'appuie sur le champignon. Une infime pression du pied suffit à me faire décoller, comme dans l'automobile de Roxanne, sauf que c'est moi qui contrôle, maintenant, c'est moi qui décide; je suis le roi, mais un roi prudent: j'appuie sur le frein bien avant d'aborder la chicane, mais je sens quand même les roues glisser quand je tourne; je dérape vers la droite... Plutôt que de freiner, j'appuie un peu sur l'accélérateur, et les pneus retrouvent leur mordant. Génial.

​ Immediately past the platforms, I press on the mushroom. A tiny pressure on the foot is enough to make me take off, like in Roxanne's car, except that it's me who controls, now, it's me who decide; I am the King, but a careful King: I press the brake well before approaching the chicane, but I still feel that the wheels slide when I turn: I slip to the right... Rather than the brake, I press the accelerator a little, and the tires regain their bite. Awesome.

​ J'appuie encore plus fort sur l'accélérateur en traversant la forêt de pins, tellement fort que je prends trop vite le virage suivant. Je quitte la piste et je passe à un cheveu de percuter le mur de pneus... On se calme, Steve, on se calme, rien ne presse.

​ I still press harder on the accelerator when crossing the pine tree forest, so hard that I take the next turn too quickly. I left the track and I pass a hair to hit the tire wall... Calm down, Steve, calm down, no pressure.

​ Au dixième tour, je commence à connaître le circuit par cœur et à deviner les réactions de mon véhicule. Je ne suis pas un expert, évidemment, mais je peux me permettre de relaxer.

​ In the second run, I start to know the track by heart and to guess the reactions of my vehicle. I'm not an expert, evidently, but I can allow myself to react.

​ Au vingtième tour, je fais des expériences en prenant de risques calculés: qu'est-ce qui se passerait si j'empiétais sur l'accotement pour sortir plus vite de la chicane? Est-ce que mes pneus n'auraient pas une meilleur adhérence si j'accélérais un peu plus tôt dans la courbe? J'apprends quelque chose de nouveau à chaque tour de piste, et j'ai bientôt l'impression que mon cerveau est un disque dur sur le point d'être saturé. Tout mon corps se durcit, comme si je me transformais en machine. Quand je passe devant les estrades, à présent, je ne regarde même plus les ingénieurs, ni quoi que ce soit d'autre, d'ailleurs: il y a moi, il y a la route, et c'est tout. Il y a aussi mon véhicule, c'est vrai, mais j'ai l'impression qu'il fait maintenant partie de moi. Mes mains serrent si fort le volant qu'elles sont soudées à lui. Je ne sais plus si c'est le moteur qui me fait vibrer ou moi qui fais vibrer le moteur. J'aime ça. J'aime ça comme un fou, du moins jusqu'au quarante-sixième tour, alors qu'il se produit un incident inquiétant.

​ In the 20th run, I experiment by taking calculated risks: what happens if I encroach on the shoulder to get out of the chicane faster? Won't my tires have a better adherence if I accelerate a bit earlier in the curve? I understand a few new things after every run, and I soon had the impression that my brein is a disk almost to be full. My whole body hardens, like if I transformed into a machine. When I pass in front of the platforms, now I don't even look at the engineers, nor anything else, besides: there's me, there's the track, and that's all. There's also my vehicle, that's true, but I have the impression that it's now a part of me. My hands tighten the steering wheel so tightly they were welded to it. I don't know anymore if it's the engine vibrates me or it's me who vibrates the engine. I like that. I like that crazy, at least until the 46th run, where there's a disturbing incident.

​ Ce n'est rien, pourtant. Un simple détail. Un détail insignifiant, mais qui vient gâcher mon plaisir. Au milieu de la deuxième ligne droit, celle qui traverse la forêt, j'entre en collision avec... une guêpe. Ça peut sembler ridicule, je sais, mais avez-vous déjà vu une guêpe s'écraser dans le pare-brise d'une automobile qui roule à toute vitesse? Pouvez-vous imaginer ce qui se produirait s'il n'y avait pas de pare-brise et que vous receviez la guêpe dans le front? Si vous n'y arrivez pas, je vais vous le dire, moi, ce que ça fait: ça fait mal. C'est comme du feu, comme une brûlure de fer à souder. On n'en meurt pas, c'est sûr, mais ça porte à réfléchit: qu'est-ce qui se serait passé si j'avais reçu la guêpe dans un œil, au moment précis où je négociais un virage?

​ This isn't nothing, however. A simple detail. An insignificant detail, but spoils my pleasure. At the middle of the second straight line, the one that goes through the forest, I collided with... a wasp. That can be ridiculous, I know, but have you seen a wasp crashing into the windshield of a fast moving car? Can you imagine what would happen if there was no windshield and you got the wasp in your forehead? If you don't get there, I will tell you, me, what it feels like: it feels bad. It's like crazy, like a soldering iron burn. We aren't dying of it, that's for sure, but it's sobering: what would have happened if I had gotten the wasp in one eye, at the precise moment when I was negotiating a turn?

​ Je fais les quatre derniers tours plus lentement, tellement lentement que je me sens au volant de la tondeuse à gazon du bonhomme Desjardins. J'ai juste envie de profiter au maximum des derniers tours pour observer les alentours de la piste: après la pinède, la forêt de feuillus est très touffue, sauf à l'endroit où la guêpe m'a frappé. La forêt m'a semblé dégagée à cet endroit, comme si... Ça y est, j'y suis. Je roule si lentement que je peux dissiper tous mes doutes: c'est bel et bien un cimetière que je vois là, sous les arbres. Il n'y a pas de maison ni d'église, seulement un cimetière. Un cimetière perdu dans la forêt, à côté d'une piste de course... Et si c'était vrai, ces rumeurs d'automobiles qu'on enterre et de pilotes qui disparaissent?

​ I completed the last four runs slowly, so slow that I feel like I'm driving old man Desjardin's lawn mower. I just want to make the most of the last laps to observe the surroundings of the track: after the pine forest, the deciduous forest is very bushy, except where the wasp hit me. The forest seemed clear to me at this place, as if... that's it, I'm there. I drive so slowly that I can dispel all my doubts: it is indeed a cemetery that I se there, under the trees. There is no house or church, only a cemetery. A cemetery lost in the forest, next to a race track... And if that was true, these rumours of cars being buried and of drivers disappearing?

​ Cette fois-ci, mon disque dur est vraiment saturé.

​ This time my hard drive (reference to the brein) is actually full.

^ ^ ^

​ Je reviens au hangar, je me stationne devant le groupe d'ingénieurs, je m'extirpe de mon squelette à moteur, et je commence à paniquer: je ne sens plus mes mains, j'ai toutes les peines du monde à me déplier le dos, j'ai les jambes en compote et je ne comprends plus rien. Les ingénieurs parlent entre eux, à deux pas de moi, mais je ne saisis pas un mot de ce qu'ils racontent. Ce n'est pas parce qu'ils parlent en chinois ou en jargon d'ingénieur: je n'entends rien, rien du tout, comme si j'étais devenu complètement sourd!

​ I come back in hunger, I stand in front of the engineers, I leave the motor skeleton, and I start to panic: I no longer feel my hands, I have all the trouble in the world to unfold my back, my legs stewed and I no longer understand anything. The engineers are talking to each other, close to me, but I don't know a word of what they are saying. It's not because they speak in Chinese or in engineering jargon: I hear nothing, nothing at all, like if I had become completely deaf!

​ Je finis par comprendre que le moteur est peut-être arrêté, mais qu'il continue de vibrer dans ma tête, ce qui explique ces bourdonnements dans mes oreilles. Après quelques minutes, elles commencent à se débloquer, mais je ne comprends pas plus ce que me disent les ingénieurs, pour la bonne raison qu'ils ne me parlent pas. Ils m'ont laissé là au milieu de la piste, comme si je n'étais pas plus important qu'un cadavre de mouche écrasé sur l'asphalte.

​ I come to understand that the engine may have stopped, but they continue to vibrate in my head, which explains these buzzing sounds in my ears. After a few minutes, my ears start to unblock, but I don't understand anymore what the engineers tell me, for a good reason that they aren't talking to me. They left me in the middle of the track, as if I was no more important than a dead fly on the asphalt.

​ Je fais quelques pas en direction du hangar, et j'ai l'impression d'être un vieil ivrogne: j'ai les jambes flageolantes, je me sens étourdi, je marche en zigzag...

​ I take a few steps towards the hangar, and I feel like an old drunkard: my legs are shaky, I feel dizzy, I walk in a zigzag.

​ -C'est à cause de tes oreilles, me dit Roxanne.

​ - That's because of your ears, Roxanne told me.

​ Je me retourne et je l'aperçois juste derrière moi, au volant de sa petite automobile rouge. Est-ce que je serais encore un peu sourd? Comment se fait-il que je ne l'aie pas entendue s'approcher?

​ I return and I see her right behind me, driving her little red automobile. Would I still be a little deaf? How did I not hear her approaching me.

​ Je contourne son auto, je m'assois à côté d'elle.

​ I get around her car, I sit beside her.

​ -Quand on arrête de tourner en rond, poursuit Roxanne, il y a un liquide qui continue à tourner dans l'oreille interne, c'est ce qui donne une impression d'étourdissement. C'est normal.

​ - When we stop turning in circles, Roxanne continues, there's a liquid that still turns around in the ears, that's what gives you the impression of dizziness. That's normal.

​ Je regarde Roxanne en attachant ma ceinture, et j'ai l'impression que ce ne sont pas seulement mes oreilles qui fonctionnent mal parce que j'ai du mal à la reconnaître. C'est bien elle pourtant, j'en suis sûr, elle est toujours aussi belle, mais elle me semble maintenant moins spectaculaire, comme si elle s'était un peu dégonflée, si vous voyez ce que je veux dire. Mais peut-être que ce n'est qu'une impression, peut-être qu'elle a simplement changé de chandail et que celui-ci est un peu moins moulant... Ou peut-être qu'il y a du liquide qui tourne dans mes yeux internes? Je sens que beaucoup de choses tournent trop vite, en fait...

​ I look at Roxanne while fastening my belt, and I had the impression that not just my ears are malfunctioning because I have trouble recognising it. It's good however, I'm sure, she's still as beautiful, but she seems to be less spectacular to me, as if it has been a bit deflated, if you know what I mean. But may be it's not an impression, maybe she simply changed her sweater and this one is a little less tight... Or maybe there is liquid running around my inner eyes? I feel like a lot of things are going on, actually...

​ -Je n'ai pas pu assister ton essai, me dit encore Roxanne, mais tu as réussi à étonner les ingénieurs. Que tu fasses un premier tour aussi lent, on peut comprendre, mais le dernier? Les autres y mettent toute la gomme, d'habitude...

​ I couldn't help you in your try-out, Roxanne continues, but you managed to surprise the engineers. That you make a first run slow, we can understand, but the last? The others put all the gum in it usually...

​ -... Les autres?

​ -... The others?

​ -Tu n'imaginais quand même pas que tu étais le seul à avoir été choisi, Steve?

​ - You don't think that you were the only one to have been chosen, Steve?

​ Je n'ose pas lui demander par qui j'ai été choisi, ni comment, et encore moins pourquoi. Quand on pose des questions, on peut s'attendre s'en faire poser son tour, Et si elle me posait des questions, je serais obligé de lui avouer que, dans toute ma vie, tout ce que j'ai conduit, c'est la tondeuse du bonhomme Desjardins, parfois son tracteur ou son quatre roues avec une remorque attachée derrière... J'ai une bonne expérience de pilote de rallye, c'est vrai, mais seulement dans mes cours de français, au volant de mon pupitre. J'ai survécu des dizaines d'accidents de formule 1, mais c'était dans des jeux vidéo... Vont-ils finir par s'apercevoir que je n'ai même pas de permis de conduire? Je ne suis pas un as du volant, Roxanne, je suis un deux de pique. Pourquoi est-ce qu'on mettrait une voiture de cours à ma disposition, comme ça, pour rien? À moins... à moins qu'on me prennent pour quelqu'un d'autre? À moins que quelqu'un soit allé fouiller dans mon passé?

​ I dare to not ask her who chose me, nor how, and even less why. When we ask questions, we can expect to be asked in turn, and when she asks me questions, I am obligated to respond, that all I have driven in my life is old man Desjardin's lawn mower, sometimes his tractor and his four-wheeler with a towing attached behind... I have a good experience as a rally driver, it's true, but only during French classes, at the wheel of my desk. I've survived dozens of formula 1 crashes, but it was in video games... Will they find out that I don't even have a driver's licence? I'm not an ace at the wheel, Roxanne, I am two of spaces. Why would we put a class car at my disposal, like that, for nothing? Unless... unless I am taken for someone else? Unless someone has gone into my past?

​ -On passera te prendre demain matin à la même heure, dit Roxanne en me laissant en face du chemin qui mène chez le bonhomme Desjardins.

​ - We will pick you up tomorrow at the same tiem, said Roxanne, leaving me opposite the path that leads to my home.

​ Déjà arrivés? J'ai l'impression que Roxanne a conduit beaucoup plus lentement que ce matin, et pourtant le trajet s'est fait deux fois plus vite. Elle m'adresse un étrange sourire un peu triste, puis elle dit "Bonne chance, Steve" sans me regarder dans les yeux, et elle me laisse là, planté au milieu de la route, les jambes encore molles, l'esprit étourdi...

​ Already there? I have the impression that Roxanne drove a lot slower than this morning, but the journey was made twice as fast. She gives me a strange smile with a bit of sadness, then she says "Good luck, Steve", without looking me in the eyes, and she leaves me there, planted in the middle of the road, legs still limp, mind still dizzy...

​ Je marche lentement vers la maison, je prends une douche, je me dégèle un repas et, comme je suis seule et que je ne sais pas trop quoi faire de mes dix doigts - Ms Dépression est dans sa chambre, et le bonhomme s'occupe de ses pommiers -, je décide que la pelouse a besoin d'être tondue. C'est fou, mais ça me fait du bien de rouler lentement. On dirait que je tourne dans l'autre sens et que c'est bon pour mon équilibre.

​ I walk slowly towards the house, I take a shower, I thaw a meal and, as I am alone and I don't really know what to do with my 10 fingers - Ms. Depression is in her room, and the old man takes care of his apple trees - I decide that the lawn needs to be mower. It's crazy, but it feels good to drive slowly. It looks like I'm turning the other way and that's good for my balance.